Les éditions Maïade
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      Le limon de l’âme
       

      auteure : Françoise Dudognon
       

      134 p.
      Format 160 x 210
      Mars 2018
      ISBN : 978-2-916512-40-2
      PVP : 20 € TTC



       
       
       
       

      Présentation de l'ouvrage
      Un récit-mémoire des années 60

      Dans le pays, il y avait ceux qui avaient leur certificat d'étude, ceux qui ne l'avaient pas, ceux qui ne savaient pas un mot de français, ceux qui le parlaient et l'écrivaient, ceux qui savaient tout faire de leurs mains…

      Il y avait aussi ces deux frères qui s'étaient battus et dont l'un avait ouvert le ventre de l'autre avec une faux, ce que le père répara avec du fil, une aiguille et une lampée d'eau-de-vie… C'était comme ça… Pourvu qu'on soit travailleur !

      Pupupu… pupupu… Au printemps, un oiseau mystérieux se faisait entendre par-delà les bouleaux et les saules de l'étang. Pupupu… pupupu. « Auva la peput ! Quand lo cocut ven la peput lo sec?».

      C’était comme ça, aux confins du Périgord et du Limousin.
      C’est un joli récit, celui de l’enfance heureuse, sensible, d’une fillette curieuse et inventive, dans le cocon d’un monde paysan bien près de disparaîre.


       
       
      L'auteure
      Françoise Dudognon est née en 1952. Ses parents, originaires du nord de la Dordogne, ont parlé occitan entre eux toute leur vie. 
      Elle est, elle-même, profondément enracinée  dans cette région où elle a entamé une carrière d’enseignante en 1975. 
      De 1978 à 1987 elle a travaillé aux côtés du  réalisateur Jean-Pierre Denis comme coscénariste et costumière d’Histoire d’Adrien, film en occitan sous-titré en français, caméra d’or au festival Cannes en 1980, comme costumière de La palombière (1983) et coscénariste de Champ d’honneur (1987). 
      Elle a ensuite continué à exercer son métier  d’enseignante en Dordogne où elle vit. Elle écrit aussi en occitan.
      Elle a un jardin pleins de roses au printemps et aime les feux de bois dans sa cheminée.
       
       

      Illustrations de Gaspard Yvan
      Né en 1988, Gaspard Yvan se passionne très tôt pour la création de personnages et la narration illustrée, ce qui le mène, après le bac, à étudier les arts graphiques et la bande dessinée à Bordeaux. 
      Après ses études, il participe en tant que coloriste à plusieurs albums de bande dessinée jeunesse auprès d'éditeurs comme Glénat ou les Humanoïdes Associés, tout en travaillant en parallèle sur divers projets en tant qu'illustrateur.









       


       
       
       
      Quelques extraits 
      1. 

      Vermenille, c'est l'endroit où tout a commencé. 

      Tout avait commencé avant, bien sûr, mais c'est là, dans cette ferme de schiste doré que j'ai reçu l'Héritage solaire, c'est là que j'ai chargé mon sac pour le voyage. 

      A l'accueil, il y avait forcément le vieil oncle qui se chauffait. On ne disait pas « se reposer », on disait « se chauffer ». La grand-mère, certainement, n'était pas loin. On appelait « Mémé ! Mémé ! » Du fond de la bergerie ou des porcheries, elle répondait un « Ououououh » 
      bondissant, très aigu. 
      C'était ce qui fendait le mieux la distance, les murailles et l'épaisseur du foin ou de la paille. Elle était là.

      Le plus jeune oncle sortait rieur de l'atelier ou des granges. Son frère était certainement avec son père et rentrerait plus tard.

      Mariette, notre grand-mère, était une femme calme que l'on disait bonne et travailleuse, attentive à nos besoins d'enfants, capable d'accueillir à sa table cinq ou six personnes au pied levé. Le visiteur était sacré. Mais elle ne riait pas beaucoup.

      2.

      Le dimanche soir, après le travail, les jeunes, comme nos oncles et comme nos pères, allaient au bal par des chemins boueux, à pied ou à vélo, embrassaient des filles et risquaient de se faire tabasser en les raccompagnant s'ils les avaient “volées“ aux gouillats 10 du village voisin. Quelquefois, ils leur demandaient de s'arrêter, derrière les haies. Dans le noir.

      Les jeunes comme nos mères allaient au bal avec leurs frères ou les voisins, dansaient avec les gouillats, se laissaient raccompagner le long des chemins creux par celui qui les avait embrassées, tremblantes. Et parfois, les étoiles étaient si belles qu'elles pouvaient se laisser aller sous le ciel, dans le foin.

      Les jeunes hommes comme nos oncles apprivoisaient les geais qui “parlaient” ensuite dans leur cage, aidaient leur père, n'avaient pas toujours envie de faire comme il disait, conduisaient la voiture ou le tracteur, inventaient des machines ingénieuses avec des moteurs de moulin à café, jouaient de l'accordéon, lisaient des bandes dessinées, fabriquaient des chariots et des radeaux qui pouvaient nous porter, des moulins à eau qui tournaient dans le courant, des sifflets avec du sureau, passaient leur certificat d'études, pouvaient partir très loin faire la guerre, allaient au bal les samedis soir, se mariaient et vivaient à la ferme avec leur femme. Ils partaient travailler et habiter ailleurs dès que le suivant fondait une famille.

      3. 

      Nous et eux et là-haut et là-bas

      Au cours de nos périples quotidiens, nous recherchions l'acidité, plaisir intense. Nous mâchouillions les queues d'oseille ou d'oxalis. Nous traquions avidement le sucre, plaisir convoité, jusque dans les fleurs de trèfle, comme on nous l'avait appris. 

      Nous avions plaisir à manger ce que nous trouvions de bon. Des mûres, des poires, des sorbes… Nous cognions les pommes longtemps sur un mur afin d'écraser la pulpe, puis nous faisions un trou dans la peau molle et nous aspirions fort le jus au goût de cidre qui s'en écoulait.

      4.

      Pour la nuit, Marissou enlevait une à une les épingles de son minuscule chignon et sa surprenante longue chevelure encore brune cascadait sur ses épaules, sur sa bosse, et jusqu'au-dessous de sa taille...

      En penchant la tête, elle les lissait avec un “démêloir” comme elle disait, méthodiquement, longtemps. Comme les autres femmes, elle se lavait les cheveux une à deux fois par an mais ce lissage quotidien les faisait briller. Puis elle les réunissait en une longue tresse qu'elle attachait avec un petit ruban rose pâle ; je voyais alors sa chemise en interlock également rose pâle, sa poitrine à peine émergente, ses jambes grêles gainées de bas noirs ou gris foncé et parfois, la frontière avec sa peau claire. Je voyais alors que ma petite mémé était une fille, comme moi.

      5.
       

      Elle ne savait pas parler le français lorsqu'elle est allée à l'école. Le directeur, qui faisait son travail de recruteur de la République, était venu chez mes grands-parents pour elle. Elle lui avait dit d'un air heureux et conquérant : « Iò vau ’nar a l’escòla me ! I’ai un pitit sac ! ». Elle était totalement inconsciente qu'on allait « lui arracher la langue » (…)
       

      Tout le temps où la vie était dure mais où il faisait si bon vivre entre les murs de Vermenille au milieu de son père, sa mère, du vieil oncle, de sa grand-mère, son grand-père dont elle était la préférée, aimait-elle à penser, il se passait quelque chose bien loin… Et pêle-mêle, au gré des jours et de notre vie, elle s'en souvenait.
       

      Parfois, au lieu du conte habituel, au coin du feu en attendant mon père, les soirs d'hiver… « Ils ont brûlé Oradour, les Allemands. On sait pas pourquoi. Il y avait un petit-cousin que ses parents avaient confié à sa grand-mère pour quelques jours et qui y est resté, lui aussi. Il s'appelait comme nous. Ils ont brûlé tout le monde et ils ont cloué un petit garçon sur la porte de l'église ! » Moi, quand ma mère racontait cela, j'espérais secrètement que c'était le petit-cousin qui s'était fait clouer sur la porte de l'église d'Oradour-sur-Glane, ça m'aurait permis d'en parler avec fierté à l'école… 
      6.
      J'organisais dans la cour de l'école un beau cortège de mariage. J'accouplais filles et garçons qui voulaient bien jouer en une longue procession. Puis, je rassemblais un côté de mon foulard en fronces serrées que je fixais en faisant un nœud. Je me coiffais de ce voile improvisé, garnissais mon chapeau de paille de quelques fleurs sauvages qui survivaient dans le coin de la cour en terre battue et le portais par l'élastique comme un sac à main.

      Le bonheur me submergeait lorsque je m'accrochais au bras de celui que j'avais choisi. C'était toujours le même : un garçon joli, aux mains douces, aux ongles propres, aux joues roses et aux yeux bleus. Un des rares qui ne donnaient jamais de coup de poing. Quand le cortège s'ébranlait, je pensais qu'il fallait absolument que nos regards se croisent, aussi tournais-je vers lui le mien, cherchant le sien, avant de faire un pas. 
      Les matricaires se serraient les unes contre les autres comme une armée fragile. Leurs centaines de petites têtes frémissantes et gracieuses et leur feuillage brumeux attiraient les faiseuses de bouquets que nous étions et nous nous élancions vers elles.

      Mais à leur pied, crottes de poules et lisier recouvraient le sol et souillaient nos chaussures. Si on les cueillait malgré tout, elles répandaient sur les doigts une odeur plus forte et plus agressive que les chrysanthèmes, leurs cousines. Dans les vases, le blanc sale de leurs pétales recroquevillés avait piètre allure. Je l'ai oublié des dizaines de fois et j'ai couru vers elles encore et encore. 

      Je ne me suis résolue que très tard à les laisser danser dans la brise.
      …



      Quelques extraits à écouter

      Lus par Marie-France Houdart

      1.« A Vermenille »

      2. « Nous et eux »

      3. « Nous, les filles »

       



       
       
       
       

      SOMMAIRE

      Prologue      5

      Vermenille      7

      Les hommes, les femmes, la carcasse et nous  29

      Le chat volant     45

      Nous et eux et là-haut et là-bas   36

      Bonjour coq, où es-tu parti comme ça ?   47

      Chez Marissou     53

      Compagnonnage     59

      Clic, clic clic, elle tricotait…    68

      Où l’on croit rêver jusqu’au lever du jour  77

      Appelées      82

      Déplacements     88

      Ce qu’il savait      92

      Socquettes blanches et souliers vernis  97

      Je lisais un livre par jour    101

      Pupupu...      109

      Chez nous      115

      Embarquement     125

      Départ       130














       

         









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