Limousin, terre promise
sommaire En 2003, paraissait un petit livre, Comprendre le pays limousin et y vivre, où Marie-France Houdart tentait de donner des clefs sur les particularités de ce pays, jadis phare de l’Aquitaine, aujourd’hui un des plus dépeuplés de France. Mais un timide mouvement de repeuplement s’était déjà amorcé, surtout sur ses terres les plus déshéritées que tant d’habitants avaient dû jadis quitter, celles de sa “Montagne”, dite “Plateau de Millevaches”. Vingt ans plus tard, il connaît une vitalité nouvelle grâce à l’arrivée de tous ces nouveaux habitants qui, très sensibles à l’avenir de la planète, veulent y “vivre autrement”. La population augmente, les “jeunes” apportent leur vitalité et le pays bouge. “D’ici - pas d’ici”… La rencontre n’est pas toujours facile, surtout quand l’impatience politique mène parfois à des luttes un peu rudes… Mais aujourd’hui, plus que jamais, on y reste, on y revient, on y arrive, des rêves plein la tête. Au point que le Limousin est devenu une vraie “terre promise”. |
Extraits 1 : Une “Fête de la Montagne limousine” De stand en stand, déambulent de joyeuses familles accompagnées d’enfants, jeunes hommes au petit chignon serré sur le haut du crâne ou dread locks, bébés sur le ventre souvent, jeunes femmes aux cheveux longs, tressés en rasta ou retenus par des écharpes colorées, vêtues par superpositions multiples de jupes de toutes longueurs, pantalons larges et tuniques diverses…, à la mode des campagnes d’aujourd’hui. Campagnes ? Villages de “montagne » ? Un Martien qui atterrirait soudain ou, sans aller chercher si loin, un Japonais ou un Indien des Andes tombé du ciel, pourrait se demander : où suis-je ? Un bourg avec son église, sa place de marché, son lac, son château : un village typique au milieu des prairies où paissent les vaches ? une fête traditionnelle de ce pays qu’on lui a dit s’appeler le Limousin ? « Cette fête est-elle une coutume de la contrée ? Ce que vous portez est-il le costume traditionnel du pays ? - Mais non ! - Vous habitez ici ? Vous y avez votre famille ? vos ancêtres ? - Pas du tout, ça ne fait qu’un an qu’on est là ». Il ferait un petit sondage auprès d’autres personnes déambulant sur le lieu. Même chose : 3 ans, 5 ans, 10 ans ou à peine plus de présence dans le pays. « Mais d’où veniez-vous ? - De Paris, de Lyon, de Strasbourg… On en avait marre de la ville. - Mais les habitants originaires du pays, où sont-ils ? - Oh, vous savez, il n’y en a presque plus… De toute façon, ils ne viennent pas dans nos fêtes ! »
Extrait 2 – L'exode rural planifié Pour les économistes, l’exode rural : « était la condition du progrès de l’agriculture… La société se sclérosait, l’agriculture se figeait dans ses habitudes et les paysans regardaient vers un passé perdu au lieu de songer aux possibilités du futur. Depuis dix ans, le mécanisme joue en sens inverse ; une nouvelle génération de jeunes agriculteurs croit en l’avenir économique et en la noblesse du métier terrien. Ils profitent du départ de leurs voisins pour s’étendre, s’équiper et s’organiser. Ils jugent par conséquent cet exode inévitable et même bénéfique et réclament qu’il soit organisé. » (!) L'exode rural est devenu condition de la croissance économique et de la prospérité agricole. La fameuse PAC (Politique Agricole Commune) est mise en place en 1962, en vue : - d’accroître la productivité de l’agriculture ;- d’assurer un niveau de vie équitable à la population agricole ; - de stabiliser les marchés ; - de garantir la sécurité des approvisionnements ; - d’assurer des prix raisonnables aux consommateurs. Ambitieux programme de modernisation des exploitations agricoles ! qui ne s’applique qu’aux agriculteurs capables d’entrer dans la logique qu’il suppose, c’est-à-dire à ceux qui disposent d’un nombre suffisant d’hectares… ! Les autres doivent partir !
Extrait 3 – Mais la campagne s'est vidée : il faut désormais « accueillir »
Alors
la région Limousin montedans ce train déjà en marche… En 1999, elle
crée la “Direction de l’Accueil et de la promotion”, pour développer
une “politique migratoire” et plus directement d’accueil et lance son
slogan “Limousin terre d’accueil”. La même année naît à Limoges le
“Collectif Villes-campagnes” qui, pendant 20 ans, se mettra au service
de tous ceux qui désirent s’installer à la campagne et des territoires
ruraux qui souhaitent les accueillir. Le Collectif lance pour cela un
vaste plan d’action : apprendre à mieux connaître le profil des
candidats au départ, adapter sa politique d’accueil, sensibiliser la
population locale à l’enjeu de l’accueil, construire un service
d’accueil, en y associant pays, groupement de communes…, et le
faire savoir à l’extérieur, là où se bousculent les candidats à
“l’exode urbain” !
C’est ainsi qu’en juin 2001 se tient au Parc des expositions de Limoges la 1ère “Foire à l’installation en milieu rural” ! Le Limousin serait-il à vendre ?
Extrait 4 – Vivre et faire autrement
Parce
qu’ils avaient partout entendu dire que le pays était désert, que
l’exode rural l’avait vidé de sa population, qu’on les accueillerait à
bras ouverts, que tout était à faire et tous les projets bienvenus, que
d’ailleurs il y avait déjà quantité d’associations qui y œuvraient…Si
bien que beaucoup sont arrivés, en couples ou avec des copains… souvent
pour « vivre en collectif » :
- L’aspect collectif, pour moi, c’est comme une grande famille (…)c’est faire des choses ensemble, partager, s’épauler…C’est comme inné. C’est pas donné à tout le monde de pouvoir vivre en collectif, mais moi, je ne me vois pas autrement » - …parce qu’on était juste une bande d’idéalistes qui voulaient vivre autre chose… - On était plusieurs à vouloir changer de vie… On était quatre à l’époque… Et en cherchant une terre d’accueil, on est tombé sur le Limousin… C’était censé être la première région qu’on allait voir… En fait, on n’a pas été en voir d’autres - « Vivre autrement dans un esprit d’ouverture et d’accueil, de créer un gîte d’enfants… trouver une manière rurale de vivre qui refuse de gaspiller les ressources naturelles…
Extrait 5 – Et ceux d'ici ? Double malentendu
Certains
disent en avoir vus, en connaître même, comme de ces êtres mystérieux
quelque peu mythiques, rescapés d’un vieux monde… des autochtones comme
on dit…, un “vieux peuple” qui n’apparaît que de loin en loin aux
nouveaux venus.
Malgré ce qu'on leur avait dit, le « désert n'est pas vide »… On leur avait dit que leur arrivée allait réanimer le pays qui, sans eux, finirait de mourir. Qu’ils seraient utiles au pays où ils allaient s’installer, qu’ils aideraient à sa survie ! Qu’ils apporteraient leur dynamisme, leur regard, leur jeunesse, leurs… compétences pour son renouveau. Ils se sentaient donc investis comme d’une mission : apporter une sorte de bonne parole, un modèle capable de faire émerger un monde nouveau. Une terre leur était en quelque sorte destinée pour le salut du pays, une terre… « promise » ?! … Extrait 6 – Notre terre n'est pas à vendre !
« Paysans… ?
Vous ? - Oui, pourquoi ? On a les diplômes… - Mais la terre, notre
terre, vous n’y connaissez rien ! c’est pas dans les livres qu’on
apprend comment elle est notre terre…
Et puis, de toute façon, elle n’est pas à vendre… Elle est à nos enfants … - Où sont-ils ? … - Partis en ville… Et vous voudriez qu’on vous la donne ? à vous ?… - Eh bien oui, parce que les méthodes traditionnelles ne marchent plus, il faut faire autrement…, on ne cultive plus le blé, ni les pommes de terre comme autrefois…, il faudrait… » On imagine que les portes entrouvertes se sont refermées… Extrait 7 – Un maire communiste et des jeunes sympas
Ils
s'agissait en majorité des jeunes gens de 20-25 ans, qui se
retrouvaient sur les grands sommets, G7/G8, les luttes antinucléaires,
altermondialistes…
Et à un moment, ils se sont dit : on a de bonnes idées, mais faut qu’on se fasse une base arrière, quelque chose d’un peu matériel, où on pourrait produire, défendre nos idées et réfléchir… C'est alors qu'ils sont allés voir le maire de Tarnac… qu'ils ont acheté une ferme… puis créé le Magasin général… La suite… Extrait 8 – Agissons, mobilisons-nous… : des associations dynamiques ! Pas de crèche ? On en crée une. Pas d'ambulance, on se cotise. Un commerce, un café qui ferme : on le reprend en collectif. Des coupes rases, forêt, agriculture industrielle, on est contre car la planète n'y gagnera rien, on manifeste, on s'oppose. De nombreux projets sont stoppés… Oui… Ils sont bien là, se répandent dans toute cette « terre promise », ils bougent, peuplent les écoles, remplacent des commerces, créent, squattent, bougent, contestent, se manifestent… Alors, une chance? Vraiment ? pour le Limousin ? La suite dans « Limousin, terre promise ».
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