Après le succès du 1er concours de Nouvelles lancé en 2022 par l'ass. « Les amis du pays de Bugeat », qui a permis d'accueillir parmi les auteurs de Maiade éditions, trois nouveaux auteurs, l'édition 2023 en a distingué quatre autres.
 Le thème imposé : «Sport et culture en Limousin : un esprit et un corps pour résister », a suscité quatre belles histoires, qui ont donné le titre de l'ouvrage collectif, " Secrets de résistance ".


Lorsque, dans une maison de retraite, une nonagénaire danse inlassablement la “sautière” de sa jeunesse pour résister à la fuite du temps, et quand… " C'est l'histoire de Gravés  dans le bois ", de Xavier Corman (1er prix ex-aequo).
Lorsqu’à chaque tournée, un facteur à vélo s’attarde auprès d’une autre très vieille dame qui écrit des poèmes et qu’un jour… Vous lirez la suite dans Le facteur n'est pas passé, de Jean-Baptiste Kerveillant (1er prix ex-aequo).

Lorsqu’une jeune fille, championne cycliste à force de persévérance, remonte les générations et découvre que… ses aïeules aussi… Bénédicte Frisée (2e prix) vous raconte dans " Les combattantes " les secrets d'une étonnante généalogie

Enfin, lorsque trois amis se retrouvent pour courir dans les bois, et que le même obstacle arrête à chaque fois l’un d’eux…Une belle histoire d'amitié dans l'effort et, dans la mousse au bord de l'eau, Pierre Gandois vous livre " Le secret d'Emile "(3e prix)
Mais est-il vraiment étonnant que, de ce pays de si forte “Résistance”, aient émergé de bouleversants récits dont trois ont comme héroïnes des femmes, combattantes à leur façon, qui refusent l’oubli. Corps et âme associés, là est tout leur secret.

Extrait 1

Gravés dans le bois, par Xavier Corman


«  Alors commença pour Suzanne cette partie de sa vie sans Félix, cette valse tragique qui emporte ceux qui espèrent, jusqu’au bout et contre toute logique, retrouver l’être aimé : un temps pour la prière, un temps pour l’attente, un temps pour l’horreur, un temps pour l’oubli, et le refrain des souvenirs qui creuse chaque fois un peu plus profond le sillon de la douleur (…).
(…) Descendre le chemin, risquer de tomber encore plus que s’il grimpait. Sentir ses jambes la porter à peine. Sentir la canne qui cherche maladroitement la faille dans le sol accidenté.
Les coupes ont clairsemé la forêt, comme une phrase en pointillé. Le crépuscule accumule du silence comme stupéfait de ce qui se passe : une dame d’un âge infini se présente à l’orée de cette clairière dévolue au souvenir.
Arriver à la clairière. Finir son travail. Et dormir dans la sape. Enfin.(…) elle a rempli sa mission (.…) »
« Au bois du Thouraud, une nouvelle plaque de bois rivetée maladroitement au monument porte quelques mots en occitan, gravés d’une main tremblante : … »





Extrait 2

Le facteur n'est pas passé, par Jean-Baptiste Kerveillant


«  (…) Souvent elle lui offrait un petit verre de prune avant de lui glisser les lettres rédigées les soirs précédents et quelques légumes du potager soigneusement enveloppés de papier journal.
Ce matin-là, pourtant, le facteur n’est pas passé. (…) Ce poème, elle irait donc le porter elle-même. Elle redoutait le dénivelé, avec sa hanche douloureuse, mais sa volonté ardente suppléerait son corps déficient.
Le hameau, perdu tout en haut de la forêt de Larfeuil, paraissait désert mais elle se sentait épiée par des ombres mouvantes. La chapelle était vide, sépulcrale ; elle se signa, s’agenouilla sur un prie-Dieu au premier rang et s’abandonna dans une mystérieuse prière. Un homme entra à son tour et s’assit à ses côtés. Elle ne fut pas surprise :
- Raymond ?
Le jeune homme resta silencieux, puis ferma les yeux dans un soupir.
- D’autres ?
- Deux ou trois, tu ne les connaissais pas. Tu ne peux pas rester… nous allons lever le camp demain matin, le temps que les derniers arrivent… »



Extrait 3

Les combattantes, par Bénédicte Frisée



«  Extrait d’acte de naissance
Le 11 octobre 1923
à 9 heures
est née Simone Bonnefond
de sexe féminin à Barsanges
Aubazine, le 11 octobre 1939
Mon cher journal
Aujourd’hui j’ai seize ans.
Je te confie la colère qui gronde en moi puisque je ne suis pas autorisée à l’exprimer à voix haute. Parce que je m’appelle Simone et non Emile ou René comme mes frères, parce que je suis née fille, je n’ai pas le droit de participer aux courses cyclistes qui me permettraient de devenir une championne. Du plus loin que je me souvienne, j’ai eu envie de grimper sur cet engin, de le maîtriser et de filer à toute vitesse. »
(74 ans plus tard)
« marie.bonnefond@hotmail.fr
à : amendine.bonnefond@hotmail.fr … »
« Objet : Victoire
J’ai découpé la photo dans le journal. Tu es sur la première marche du podium. Tu montres fièrement ta médaille. (…) Simone a tout suivi à la télévision. Je l’ai eue au téléphone à deux heures du matin, elle pleurait. Cette victoire c’est aussi grâce à elle. Sans les étés à courir derrière son vélo, grimper aux arbres et engloutir ses tourtous, tu ne serais pas devenue la championne que tu es. Pas de doute, l’intrépidité et la ténacité coulent dans nos veines. Nous sommes des combattantes »







Extrait 4

Le secret d'Emile, par Pierre Gandois


«  “Allez, Alain ! On continue ! Y’a plus qu’un kilomètre jusqu’à la Vieille-Maison !“. Pierre encourageait gentiment son ami (…).
“Non, non, j’arrête ! Je peux pas aller plus loin ! Je vais attendre là, comme d’habitude !“. Voilà la réponse d’Alain ! C’était “comme d’habitude“. »
(pour vaincre la côte infranchissable, Alain décida d'en parler à Emile, qui accompagnait souvent les trois amis coureurs, ou plutôt de le guetter, de l'observer au pied de l'obstacle…)
« Alain n’était pas arrivé au pied du raidillon quand Emile se présenta, lui, au bas de cette pente. Mais il n’était pas loin, et il put se dissimuler dans un taillis du bord de rivière, à peu de distance du raidillon. Ce qu’il vit alors restera gravé dans sa mémoire. Il vit Emile arrêter sa course au bas de la pente, et descendre un peu plus loin, près de la rivière. Il y avait là un gros rocher, avec, tout en bas, sur le sol, un affleurement où l’humidité montait des profondeurs de la terre ; cette petite source nourrissait des épaisseurs de mousses et de lichens. Cette mousse humide, Emile… »